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Interview de Jean Rony Charles avec Jonel Juste au sujet de Carrefour Poésie



 



1. Qui êtes-vous ? Parlez-nous de votre parcours.

Je suis Jonel Juste, journaliste, poète, nouvelliste et éditeur, né à Port-au-Prince le 2 octobre 1980. Je suis l’auteur, entre autres, des recueils de poèmes Carrefour de Nuit, Solèy, Solèy, Mémoire de Quarantaine et Astres et Désastres. En tant que journaliste, j’ai collaboré avec divers organes de presse en Haïti et aux USA tels que HPN, Le Matin, Le National, Le Nouvelliste, etc. Actuellement rédacteur à Artburst Miami, une agence de presse culturelle à Miami, certains de mes articles ont été repris dans des journaux tels que Miami Herald, Miami Times, Miami New Times, Sun Sentinel, etc.

J’ai fait mes débuts en littérature comme bibliothécaire et animateur culturel de l’Atelier de Création Marcel Gilbert de la Bibliothèque Justin Lhérisson de Carrefour (Haïti). Après des études secondaires au Lycée Louis Joseph Janvier de Carrefour en 1999, j’ai suivi des cours de Communication à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti, des études interrompues que j’ai pu terminer des années plus tard à l’université floridienne FIU (Florida International University)

En 2001, j’ai été lauréat du concours Dictée des Amériques à Port-au-Prince et j’ai représenté Haïti au Canada. En 2003, j’ai été l’un des gagnants du concours de poésie organisé par l’École Normale Supérieure de Port-au-Prince.

En 2003, je me suis lancé dans le journalisme. J’ai collaboré à divers journaux, magazines et agences en ligne en Haïti. Dans le cadre d’un reportage pour Le Nouvelliste, j’ai été attaqué en 2005 au Bel-Air, une agression qui a fait la une des journaux en Haïti et à l’étranger. Après avoir quitté le quotidien haïtien, j’ai rejoint les rangs de la revue socioculturelle Vues d’Haïti et travaillé à Haiti Press Network, une agence de presse en ligne en Haïti dont j’ai été le rédacteur en chef pendant quatre ans (2007-2011).

En tant que poète, j’ai notamment contribué en 2009 à l’anthologie Cahiers de la Ral,M Haiti publié par le Chasseur Abstrait en France. Cette œuvre gigantesque a réuni 3 grandes générations de poètes haïtiens partant des années 20 aux années 80. D’autres textes ont été également publiés dans d’autres anthologies.

En octobre 2011, je me suis établi en Floride où j’ai publié en 2012 « Carrefour de Nuit » qui est sorti chez les Éditions Edilivre en France. Le recueil contient à la fois des poèmes, des nouvelles, des récits et des parodies un peu à la manière du grand et populaire poète français Jacques Prévert. J’ai également publié un recueil de poèmes en créole intitulé « Solèy, Solèy » (2019), un recueil de poèmes en anglais titré « I loved you before I knew your name » (2019), deux recueils de nouvelles (Trois fois passé là et The Watch) et un essai sur le hip-hop haïtien (Haitian Hip Hop: From Top to Bottom). J’ai participé avec le texte « Qui s’est permis » au recueil collectif « So Spoke the Earth/Ainsi Parla la Terre » sous la direction de Jessica Fièvre.

En 2021, je publie Mémoire de Quarantaine, une série de textes multigenres (poèmes, récits, nouvelles) écrits en français et en créole durant le printemps 2020 lorsque le monde s’est arrêté à cause du coronavirus.

En 2022, j’ai publié Astres et Désastres, un recueil de poèmes bilingue dont certains textes témoignent de mon attachement à Haïti et d’autres de mon expérience d’immigré aux Etats-Unis.


2. C’est quoi Carrefour Poésie ?

“Carrefour Poésie” est un podcast que j’ai créé en novembre 2020. Dans cette émission audio disponible sur diverses plateformes sur Internet (Anchor, Spotify, Apple Podcasts, etc), je lis des poèmes et des extraits de romans d’auteurs haïtiens et étrangers.


3. Comment avez-vous eu l’idée de prendre une telle initiative ?

L'idée était d’abord de lire mes propres textes et de créer un audiobook, un livre qui s'écoute sur Internet. Donc les premiers textes étaient surtout les miens, tirés de mes propres livres. Ensuite, j’ai eu l'idée de poursuivre l’aventure et d’y inclure d’autres poètes, haïtiens et étrangers. La raison pour laquelle j'ai voulu continuer à lire ces textes poétiques est celle-ci: Ces lectures me remettaient en mémoire cette époque où j’avais l'habitude de lire ou de déclamer des textes à la Bibliothèque Justin Lhérisson de Carrefour. C'était l’une des plus belles époques de ma vie. C’est ainsi que j'avais découvert Castera, Phelps, Trouillot, Franketienne ect. Et c'était ainsi tous les samedis. Il y a quelque chose d'intéressant dans le fait de lire des textes poétiques. Lorsque le poème est figé dans le livre, il est muet, mais lorsqu’on le lit, on lui donne voix, on lui donne vie. J’aimais dire des textes et j’aimais écouter les autres déclamer des poèmes. C’est la raison pour laquelle j’ai créé Carrefour Poésie, pour donner vie aux poèmes qu’auparavant je lisais silencieusement dans ma tête, et pour permettre à d'autres personnes de jouir de ces textes également.


4. Pourquoi le Podcast ?

Honnêtement, le podcast était le choix le plus facile. Il suffisait juste de télécharger une application sur mon téléphone et… bâton! (comme on dit). Cette petite application (Anchor) est un studio à lui tout seul, on peut faire bien des choses avec. Lorsque je voulais lire, il me suffisait de trouver un endroit tranquille et j’enregistrais des textes sur mon smartphone. Je lisais en général la nuit, lorsque tout le monde dormait et qu’il n’y avait pas beaucoup de bruit. Je lisais aussi tôt le matin. Bien entendu, la qualité n’est pas celle d’un studio professionnel. Des fois, c’est bien, d’autres fois c’est moins bien. Parfois j’ai dû lire un texte plusieurs fois pour trouver une qualité sonore acceptable. Je n’ai pas la présomption de mettre au même niveau qu’un Phelps ou un Lobo. Ces diseurs sont mes maîtres en la matière et je ne crois pas les avoir dépassés. Mais je crois avoir apporté ma pierre, aussi petite qu’elle soit, à l’édifice littérature.

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5. Comment votre public réagit-il à cette initiative ?

La réaction du public m’a surpris. Je croyais que seulement quelques dizaines de personnes s'intéresserait à une telle initiative vue que la poésie n'est pas l'art la plus populaire qui soit, en tout cas pas aussi populaire que la musique. J’ai été surpris de voir des centaines voire des milliers de personnes écouter le podcast. Certains poèmes ont des centaines d’écoutes à eux seuls. Au total plus de 6000 personnes ont déjà écouté Carrefour Poésie. Une auditrice française m’a écrit pour me féliciter et me demander la permission d’utiliser certains des textes que j’ai lus pour son site web.


6. Que voulez-vous inspirer aux gens à travers cette émission ?

Je ne sais si mon objectif était vraiment d’inspirer quelque chose. Comme je l’ai dit plus haut, je voulais lire des textes d’abord pour moi-même, pour me rappeler le bon jeune temps. Ensuite, j’ai voulu en faire profiter les autres, j’ai voulu donner de la voix à des textes poétiques, j’ai voulu les faire entendre. Et il me semble que ces textes ont été entendus. Lorsque je lis mes statistiques sur le site Anchor.com, je vois que les gens écoutent les textes surtout la nuit. Donc il semble que certains écoutent de la poésie avant de dormir ou pour les aider à dormir, qui sait ?


7. Quelle est votre rapport à la littérature ?

Aujourd’hui on parle beaucoup de santé mentale et de toutes sortes de thérapies. La littérature c’est ma thérapie à moi. Elle me permet d’échapper à la dure et stressante réalité quotidienne, de recréer, d’inventer un monde idéal, ou encore de voyager dans d’autres mondes, des mondes imaginaires où les rêves sont possibles.


8. Jusque-là, comment évaluez-vous votre progression dans le domaine ?

En tant qu’écrivain et poète, je me réinvente chaque jour, j’apprends, je m’améliore. Je découvre d’autres voix, d’autres espace-temps, je redécouvre l’humanité. Les deux dernières années ont été productives pour moi. J’ai pu sortir plusieurs de mes livres. Mais d’autres sont encore dans les tiroirs de mon imagination et ne demandent qu’à sortir.


9. Quelles difficultés avez-vous rencontrées durant ce parcours ?

Il y a toujours la tentation d’abandonner surtout lorsqu’on vit dans un pays comme les Etats-Unis. Mais lorsqu’on sait qu’on a quelque chose à apporter à l’édifice littérature, qu’on a sa propre contribution, on persévère.


10. Quelles sont vos perspectives à travers cette émission ?

Je désire continuer s’il y a des gens pour écouter, et il existe des milliards de poèmes à lire.


11. Pourquoi les gens devraient-ils écouter Carrefour Poésie ?

Je ne sais s’ils devraient mais s’ils aiment la poésie et qu’ils veulent l’entendre, je suis l’une des voix parmi tant d’autres qu’ils peuvent écouter : https://anchor.fm/jonel-juste


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